Le spectre amitié-amour

Salut !

Parfois, je me dis qu’il existe autant de relation que de pair d’individus. Mais parfois, j’ai quand-même envie de théoriser ce truc, alors qu’il est insaisissable tant il a de facettes.

Du coup j’essaie quand-même. Mais, à ce moment-là, les concepts d’ « amitié » et d’ « amour » sont trop peu pour décrire les différents degrés d’intimité relationnelle, et surtout leur signification dans les scripts existentiels qu’on suit tous comme des grands morts #SociétéDuSpectacle.

J’ai donc imaginé une nouvelle échelle pour situer mes types de relation. Pour moi c’est progressivement plus intime, mais peut-être pour vous il y a des choses plus intimes avant d’autres ?

Ami-très-vitef

C’est la personne à qui je fais un signe de main dans la rue, mais sans ralentir.

Ami-très-vitef-mais-moins

C’est la personne à qui je dis « salut, ça va ? », donc là on se parle, mais sans nous arrêter non plus, donc ça laisse juste le temps de répondre « bien, et toi? » et là on est déjà trop loin pour entendre une réponse éventuelle.

Ami-vitef

Ok, là on s’arrête 2-3 minutes quand on se croise dans la rue pour parler du taf et poser une question sur par exemple son frère parce qu’on était dans la même classe d’école pendant 2-3 ans.

Ami-collègue

Attention, il est très différent de Amir-Ouvrage, qui viendra après. C’est juste la personne avec qui on se force de rester poli, voir sympa, parce qu’on bosse au même endroit et que c’est déjà assez chiant comme ça pour commencer à risquer d’être sincère et de créer du drama.

Ami-café

Ben c’est quelqu’un-e que, si je la vois dans la rue, et que j’ai genre 20 minutes avant mon train, je ne vais pas préférer attendre seul, mais aller vers lui et dire « eh salut, t’as le temps pour un café ? » mais toute tentative de se voir autrement que pour un bref café n’aboutit jamais.

Ami-soirée

Un amie avec qui je fais la teuf, mais que je vois uniquement dans un contexte de fête, justement. Même si on se dit parfois « ‘faudrait trop qu’on se capte une fois ! » mais on le fait pas parce qu’en se voyant sans être désinhibé par une substance quelconque, on se gêne.

Ami-Amir

J’écris « amir », parce c’est là que pour ça commence à être flou entre l’amitié et l’amour.

Amir-vacances

Quelqu’un-e avec qui je suis ok de passer 1-2 semaines un peu tout le temps ensemble.

Amir-ouvrage

Une personne avec qui je prends plaisir à œuvrer ensemble dans un projet commun. Nous savons échanger nos points de vue sans rager que l’autre ne s’y conforme pas parfaitement. Deux paroles qui coexistent dans un dialogue, sans que l’une disparaisse, en écrasant l’autre ou en s’écrasant soi.

Amir-coloc

Une personne avec qui je prends plaisir à partager le lieu de vie. À ce stade, il n’y a plus grand où ça ne correspond pas à l’amour romantique familio-techno-nationnaliste : le projet de se reproduire biologiquement (par contre artistiquement…).

Doramir

Une personne avec qui ça me dérange pas de partager le même lit, parce que précisément on ne fait que dormir.

Amir-câlin

Une personne avec qui je fais des câlins, un peu plus long que pour se dire bonjour. C’est un câlin qui se suffit à lui-même, c’est-à-dire qu’il n’y a pas besoin d’apprendre une nouvelle tragique pour le faire.

Massamir

Une personne qui me fait des massages, et moi aussi.

Amigili

C’est une personne avec qui c’est ok d’être collé quand on regarde un truc, genre jambe dessus, jambe dessous, sans que ça provoque de gêne.

Ami-shrrt-shrrt-grglglglgl-puhhh

Une personne avec qui je peux me brosser les dents, et on se regarde souvent dans le miroir sans rire nerveusement et ressentir le besoin de faire des blagues pour tenir une sorte de gêne à l’écart.

Amir-nu

C’est une personne pour qui la nudité n’est pas égale à la sexualité. Du coup, nous sommes toustes deux à l’aise de nous balader nus dans le lieu de vie, dans le plus grand des calmes. C’est à ce stade aussi que, parfois, le dernier masque tombe, celui de l’homme et de la femme, et on se retrouve à être deux humains sans idée préjugé de comment l’autre devrait être ou ne pas être, et on peut dialoguer librement à poil de trucs rien à voir avec le fait qu’on est poil.

Doramir-nu

C’est une personne avec qui je peux dormir tout nu, sans qu’enlever des vêtements déclenchent une sorte de scénario dans la tête, et donc une attente, une nervosité. Du coup, je peux dormir oklm, et iel aussi, sans pyjama, si c’est aussi comme ça qu’elle dort le mieux.

Doramir-nu-câlin

C’est une personne avec qui je peux dormir nu, et à qui faire des câlins, genre me serrer (mais pas d’une façon qui mette les sexes en contact) et échanger de la chaleur, libérer des tensions, souffler tranquillement tout ce qui me pousserait à faire autre chose, et arrêter le câlin après un moment, et dormir. (Ou alors c’est un-e massamir et on se fait des massages, parce que c’est cumulatif, tout ça, biéçur. Mais les massage, c’est plusse codifié et distancié…).

Doramir-nu-câlin-caresse

Même chose qu’avant, mais en se permettant des caresses très lents, et avec l’assurance que ça ne sera jamais dans les zones sexuelles (ou la poitrine). Une fois, à ce stade-là, après s’être longuement câliné et caressé, j’ai dit à une personne « waw là je sens dans mes lèvres une envie de t’embrasser » et elle a répondu quelque chose de très intéressant : « oui, moi aussi, mais je trouve intéressant de déplacer cette chaleur des lèvres vers mes mains, et exprimer cette passion avec de nouvelles façons de te caresser ».

Doramir-nu-câlin-caresse-bisous

Mazette, alors à ce stade, mon cerveau ravagaxé de mexis reçoit plein de signaux qu’il traduit comme l’autorisation de provoquer une pénétration, alors il m’est particulièrement crucial d’être très très lent, de respirer, de ressentir et de RACONTER. Je raconte ce que je ressens. ça mélange le dialogue et les actes, et ça casse le script porno ma(i)nstream. Parler apporte des pauses au moment de toucher, et ramène le cerveau à la conscience qu’il a un autre être humain en face de lui, et pas un moyen de kiffance. Mais ouais c’est un stade merveilleux, où énormément de tendresse peut être échangée. Et c’est particulièrement dingo pour moi de me dire que cette proximité-là existe, pleine de sensualité, sans que cela devienne sexuel, et pourtant je me dis très naturellement « sapristi mais avec cette personne on a fait l’amour ».

Amir-se tenir la main en public

Oui, alors même après tous les stades précédents, je trouve plus intime de se tenir la main. Et quel public ? Mes zamix ou les siens ? Quels genre de bar ? Dehors, dans la rue, dans les corridors de la méga-machine techno-bourgeoise ? Mais, si on est du même genre, c’est déjà très dur d’affronter les regards… En forêt, ça compte comme en public, parce que des fois quand même ‘y a des joggeurs..?

Doramir-nu-câlins-caresses-bisous-partout

Là, avec le mot « partout », je signale que je suis ok avec un contact de main à sexe ou de lèvres à sexe (celles de la bouche, donc), et biéçur le dialogue sur le moment permet de préciser à quelle vitesse, avec quelle fermeté, etc.

Tantramir

Bon ben là, c’est une personne avec qui je suis ok avec toute forme de contacts, y compris sexuels, mais dans une perspective limite thérapeutique, où je me rappelle sans cesse que je ne suis pas là pour maximiser mon kiff, mais de prolonger un massage méga-long, même si a priori ça ne me fait rien ressentir, parce que j’ai un pénis habitué au turbo-porno. Mais c’est particulièrement magique de continuer à discuter sur ce que je ressens et d’écouter ce qu’iel ressent. Ce qui m’a beaucoup aidé au moment où les sexes se touchent, c’est de désapprendre le faire, l’initiative, c’est-à-dire d’être en mode étoile-de-mer, pour reprendre cette expression terrifiante (mais là c’est pas un symptôme de dissociation corporelle), et de se laisser circlure.

Post-tantramir

Je connais pas encore. Mais je suppose que c’est un stade d’amitié où je n’ai plus besoin de me référé à une petite échelle conceptuelle pour être sûr de situer mes intentions et celles des autres, et il y a plus de place pour la spontanéité. Mais franchement perso moi, notre spontanéité des techno-capitalo-patriarco-cyber-fasciste me fait assez peur, comme je l’ai écrit ici.

Ah, et une règle très importante

Il n’y a pas de Progressisme. À chacun de ces stades, on peut en rester là pour toute la vie, sans aucun problème. Et même revenir à un stade d’intimité précédent, idéalement sans que l’autre ne le prenne mal, mais qu’il continue d’aimer la liberté de l’autre, inconditionnellement.

Voilà, c’est tout pour moi cette semaine. Enfin, je me demande juste si vous, vous avez d’autres idées de stade ? Ou bien d’autres idées de noms pour ces stades ?

Je vous souhaite une année pleine de révélations transcendantales et de changements majeurs de vos moyens de façonner librement vos conditions d’existence.

Quaucoche, 2024

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